vendredi 21 août 2009

Rixe de Paludate: « Dorian est mort dans les bras de son frère »

Jamais il n'aurait imaginé qu'une « banale embrouille puisse aboutir à ce drame ». Jamais il n'aurait cru être confronté à une « telle barbarie », sur les quais de Bordeaux, après une nuit de fête.

Jérémy, la vingtaine, est un ami d'enfance de Dorian Bambara, cet habitant de Montussan âgé de 23 ans, mort égorgé quai Sainte-Croix, dimanche, peu avant 6 heures du matin.

Il tient à raconter ce qu'il a vécu pour dire d'abord que cette affaire n'a rien à voir avec un règlement de compte entre bandes des cités. Que Dorian, qu'il a connu au collège François-Mauriac de Sainte-Eulalie, en cinquième, était « un type bien, toujours prêt à rendre service ».

Il explique par le menu, comment s'est déroulée la scène, telle qu'il l'a vécue. Peu avant 6 heures, ce dimanche matin, il se trouvait avec quelques copains sous le pont du chemin de fer, à Paludate, pour acheter des « kebabs ».

Au départ, ils étaient huit, cinq garçons et trois filles. Ils avaient passé la nuit en boîte de nuit, à La Plage, où ils se retrouvent souvent. Ils profitaient tranquillement de cette chaude nuit d'été. Avec l'insouciance de leurs vingt ans.

Un coup de téléphone

Le téléphone de Dorian Bambara sonne. Il apprend que son copain Greg, qui vient de partir avec sa petite amie en direction de la station de tramway Sainte-Croix, est en difficulté. Dorian n'hésite pas. Il se précipite, court en direction du conservatoire et arrive le premier sur les lieux de la bagarre qui est à l'origine de tout.

Jérémy, qui court moins vite, est sur ses talons. Il atteint l'arrêt de tram quelques instants après son ami Dorian. D'autres suivent. « Nous étions surtout inquiets pour Greg. Il venait de se battre avec deux individus qui l'avaient provoqué en faisant une réflexion sur sa copine. Il était en sang. Je l'ai transporté sur un banc devant le conservatoire. Pendant ce temps Dorian se tenait la gorge. On ne voyait pas de sang. On s'occupait de Greg qui avait reçu plusieurs coups de couteau au thorax, notamment. Nous n'avions pas encore compris que Dorian avait été blessé à l'arme blanche, lui aussi, au niveau de la carotide, dès qu'il était arrivé pour secourir Greg. »

Ensuite Dorian s'est senti de plus en plus mal. Il s'est allongé sur un banc. Son frère Tony était là. Avec sa copine, ils lui ont fait un point de compression au niveau de la gorge. Mais Dorian n'a pas survécu. « Il est mort dans les bras de son frère. C'est terrible. Il est mort devant nous. »

Personne n'a vu l'arme

« Les deux types avaient pris la fuite. Le plus maigre est revenu, dans mon dos, pour me faire je ne sais quoi. Les autres m'ont alerté, je me suis retourné et je l'ai pris par le col. Il est reparti », poursuit Jérémy. « Je n'ai pas vu d'arme. Personne n'a vu d'arme, mais les blessures semblent avoir été provoquées par des coups de couteau. Je ne sais pas lequel des deux individus en est l'auteur. »

Quatre jours après les faits, le jeune Bordelais ne veut pas de l'aide des psychiatres. Il se ressource auprès de sa famille et de ses amis. Pour lui, il n'y a pas mieux pour panser ses plaies au coeur. « Greg est toujours en soins intensifs, mais semble sorti d'affaire », précise-t-il.

Jérémy tient à rendre hommage à Dorian : « Un garçon tranquille qui aimait la pêche. Il était titulaire d'un bac pro en logistique et savait ce qu'il voulait faire de sa vie. Jamais, il n'aurait déclenché une bagarre », assure le jeune homme. « Je me dis aujourd'hui que s'il n'avait pas couru plus vite que moi, j'aurais pu être à sa place. Ce qui s'est passé, c'est inimaginable. Vraiment un truc de dingues ! »

Lors de la conférence de presse qui s'est tenue hier matin au tribunal de grande instance de Bordeaux, le vice-procureur Christian Lagarde ne s'est pas montré très loquace sur les détails de cette affaire. Il a toutefois tenu à souligner le travail « remarquable » effectué par les enquêteurs de la brigade criminelle de la sûreté départementale. Les policiers sont parvenus, deux jours après les faits, à identifier les suspects en « travaillant à l'ancienne » a indiqué le magistrat. « En faisant des recoupements à partir des témoignages ». Conformément aux réquisitions du parquet, ces deux hommes, deux Bordelais de 27 et 28 ans, ont été mis en examen hier pour « homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire et vol ». Ils sont, en effet, poursuivis aussi pour avoir dérobé un téléphone portable à un autre individu dans le même secteur des quais au cours de la même nuit. Ils ont également participé à une autre bagarre, avant le drame.

Le parquet de Bordeaux a ouvert une information judiciaire et un juge d'instruction est chargé du dossier. Les deux mis en examen devaient être écroués dans la soirée.

Article original sur le site de Sud Ouest